jeudi 12 septembre 2019



LA RÉSILIENCE DE LA COTE D'IVOIRE A L’ÉPREUVE DU PROCESSUS ÉLECTORAL DE 2020




Les échéances électorales ivoiriennes de 2020 éprouveront une nouvelle fois la maturité démocratique de la Côte d’Ivoire. Après la violente crise électorale de 2010-2011 et les violences qui ont marqué les élections locales de 2018, les ivoiriens seront appelés aux urnes pour élire leur nouveau président-e de la République dans quelques mois. Mais l'on peut s'interroger déjà sur la résilience de ce pays et les éléments qui permettront de l'évaluer. 

L’inscription massive des potentiels électeurs (jeunes et femmes) sur la liste électorale
La Côte d’Ivoire compte près de deux tiers (2/3) de sa population qui est jeune et a moins de 35 ans, soit 77% selon les statistiques officielles délivrées à l’issue du Recensement Général de la Population et de l'Habitat de 2014. Cependant, force est de constater que les populations ivoiriennes, plus spécifiquement les jeunes et les femmes, sont de moins en moins nombreuses à s’inscrire sur le fichier électoral. A preuve, en 2016, la Commission Électorale Indépendante (CEI)[1] affirmait que seulement 11,4% des jeunes de 18 à 24 ans se sont fait enrôler sur le listing électoral composé de 6.318.311 inscrits. 

Plusieurs facteurs justifient ce faible taux d’inscription. Celui-ci s’explique notamment par les difficultés/obstacles lié-e-s à l’accès aux documents administratifs nécessaires à l’inscription et aussi à la désaffection pour la chose politique. Cette désaffection peut être liée aux violences survenues en Côte d’Ivoire à l’occasion de la crise post-électorale de 2010-2011. Très disputées, les élections locales de 2018, présentées tel un test avant l'élection présidentielle de 2020, ont été marquées par des violences avec perte en vie humaine (5 morts).

Par conséquent, l’ensemble des acteurs étatiques et non étatiques, dont les organisations de la société civile devraient entreprendre des initiatives de sensibilisation et de formation. Celles devraient encourager l’inscription massive de ces électeurs potentiels et leur participation effective au processus électoral. La réussite de ce challenge garantirait un processus électoral inclusif et participatif. Elle contribuerait surtout à renforcer la légitimité des acteurs élus à l'issue de ces élections. 

L’exercice des libertés fondamentales et des droits politiques associés aux élections
Les élections sont un prétexte et un indicateur pour apprécier la dynamique démocratique dans un pays. La Côte d’Ivoire n'y échappera certainement pas. A 13 mois des échéances électorales de 2020, les alliances politiques se forment ou se défont. Les différents états majors politiques affûtent leurs "armes" et peaufinent leurs stratégies. Le RHDP, la coalition au pouvoir, resserre les rangs avec la mise en place du dernier gouvernement du 1er Ministre Amadou Gon Coulibaly. Même si le nombre de 50 ministres est critiqué, l'on sait que l'équipe nommée par le président Alassane Ouattara est un commando de fidèles mis en mission pour conserver le pouvoir acquis après plus de deux décennies de lutte politique. 

Mais la résilience socio-politique de la Côte d'Ivoire va surtout se mesurer à l'aune de l'exercice des libertés fondamentales et des droits politiques liés aux élections. La rupture du RDR d'Alassane Ouattara d'avec le PDCI d'Henri Konan Bédié et le débauchage des cadres de l'ex parti unique par la coalition d'Alassane Ouattara favorise le rapprochement du sphynx de Daoukro avec l'ex locataire de la prison de Sheveninghen (Laurent Gbagbo) et l'aile dure du FPI qu'il dirige par personne interposée. 

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Les principaux acteurs politiques ivoiriens. De la gauche vers la droite: Laurent Gbagbo, Henri Konan Bédié, Alassane Ouattara et Guillaume Soro
                                  
Désormais le PDCI et le FPI n'excluent pas des manifestations politiques pour mutualiser leurs efforts et sceller le sort du RHDP en 2020. Laurent Gbagbo, Henri Konan Bédié ont été rejoints dans l'opposition politique par Guillaume Soro. Celui-ci n'avait pas marqué son adhésion au RHDP d'Alassane Ouattara. Ce qui lui a valu de quitter la tête de l'Assemblée nationale, l'une des chambre du parlement ivoirien au profit d'Amadou Soumahoro, l'un des farouches défenseurs du président en exercice.  

Mais une question demeure : tous les groupements politiques ivoiriens pourront-ils tenir des activités sur toute l'étendue du territoire sans qu'il y ait des obstacles ou d'entraves à leurs rassemblements politiques? Les prochains mois permettront de répondre à cette question. Ce facteur reste tout aussi important pour garantir des élections apaisées dans un climat socio-politique rassurant.


L’intégrité de l’institution en charge de l’organisation des élections
La Commission électorale indépendante, institution en charge de l’organisation des élections en Côte d’Ivoire, représente un enjeu majeur dans le cadre du prochain processus électoral. Pointée du doigt lors de la crise post-électorale de 2010-2011, la CEI sera de nouveau au centre de toutes les attentions des acteurs. 

En janvier 2019, le gouvernement ivoirien a initié des discussions avec des acteurs politiques et des organisations de la société civile en vue de créer un consensus autour de cette institution et donner suite aux recommandations de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples. Le président Alassane Ouattara a promulgué sous le N° 2019-908 du 05 août 2019, la loi portant recomposition de la commission électorale Indépendante;laquelle loi a été publiée au Journal Officiel du 06 août 2019. La nouvelle CEI compte 15 membres contre 17 pour la précédente. Mais la configuration de cette nouvelle institution qui enregistre l'augmentation de personnalités issues de la Société Civile est décriée par les organisations[2] de la société civile elles-mêmes et par les partis de l'opposition politique qui ont relevé une recomposition de l'organe plutôt que sa réforme.

Mais l'attention devrait être davantage portée sur la composition des CEI locales. Celles-ci comptent 3 représentants de la coalition au pouvoir, 3 représentants de l'opposition et une personnalité proposée par les autorités préfectorales. La prédominance des acteurs politiques au sein de ces commissions locales pourrait raviver les tensions et mettre à mal leur fonctionnement. Cependant, le moins que l'on puisse dire est les attentes au sujet de cette institutions sont nombreuses notamment pour ce qui concerne le consensus autour de ses animateurs et sa transparence dans la gestion proprement dite du processus (la révision de la liste électorale, la compilation des données collectées sur le terrain, la proclamation des résultats, etc.). L'intégrité et la transparence de cet organe restent déterminantes pour la prévention d'un éventuel conflit lié à la gestion du processus électoral.

Ce sont autant d'éléments qui permettront de jauger la résilience de ce pays considéré comme la locomotive de l'espace UMOA et de la CEDEAO, derrière le géant nigerian.


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