vendredi 25 août 2017

LA PROBLEMATIQUE DE L'IMMIGRATION CLANDESTINE EN AFRIQUE.

LA PROBLEMATIQUE DE L’IMMIGRATION CLANDESTINE EN AFRIQUE.



Depuis plusieurs années, le phénomène de l’immigration irrégulière ou clandestine fait la "Une" des médias internationaux et ceux du continent africain. Aucune semaine ne passe sans que les chaînes de télévision et de radio n’évoquent le naufrage d’embarcations de fortune dans la mer Méditerranée, au large des côtes libyennes et italiennes ou des corps sans vie de migrants retrouvés dans le désert nigérien ou libyen. En Afrique, ce sont l’Afrique de l’ouest, le Maghreb (Libye, Tunisie) et la corne de l’Afrique (Somalie, Erythrée, Ethiopie) qui sont fortement affectés par l’immigration irrégulière. De nombreuses raisons sont avancées pour expliquer le phénomène. Hormis l'asile évoquée par de nombreux migrants en raison des menaces pesant sur leurs vies dans leurs pays d'origine, certaines causes méritent d'être un peu plus explicitées.

 
LES CAUSES CLIMATIQUES ET L’INSECURITE ALIMENTAIRE.
L’Afrique est frappée de plein fouet par les conséquences dramatiques du changement climatique. Ces dernières années, les climatologues ont observé d'inquiétantes perturbations au niveau des saisons. La baisse drastique de la pluviométrie justifie d’ailleurs la sécheresse aigue qui touche la corne de l’Afrique et d’autres régions du continent dont le Sahel. Elle accentue la malnutrition des enfants qui en constituent les premières victimes, puis cause la destruction des troupeaux. Les statistiques fournies par les experts sont bien alarmantes : « À l’heure actuelle, quelques 240 millions d’Africains souffrent déjà de la faim. D’ici 2050, il suffira d’une augmentation de 1,2 à 1,9 degré Celsius environ pour accroître d’entre 25 et 95% le nombre d’Africains sous-alimentés (+ 25% en Afrique centrale, + 50% en Afrique de l’Est, + 85% en Afrique australe et + 95% en Afrique de l’Ouest »)[1]



Illustration de l’ampleur de la sécheresse qui frappe de façon très sévère et courante la corne de l’Afrique (Photo d’archive)

Mais les effets des bouleversements climatiques motivent d’ores et déjà l’exode des populations de cette contrée vers les pays voisins, le Kenya notamment où les conditions  climatiques sont un peu plus clémentes. Certaines privilégient le risque de traverser le  désert, puis la Méditerranée avec l’espoir d’une vie meilleure pour elles-mêmes et leurs familles restées en Afrique. Pourtant, de nombreuses familles composées essentiellement de femmes et d’enfants meurent lors de ce périple.


L’INSTABILITE SOCIO POLITIQUE ET SECURITAIRE.

L’instabilité socio-politique de nombreux pays du continent fait partie des causes de l’essor de l’immigration irrégulière. En effet, les jeunes Etats africains sont bien souvent fragilisés par les crises socio-politiques cycliques consécutives à des processus électoraux contestés ou des transitions politiques chaotiques.  


En Afrique subsaharienne, certains pays comme le Ghana, le Sénégal et le Bénin représentent des exemples pertinents qui ont su exorciser ce sort tragique commun à plusieurs pays de la sous région ouest africaine. Depuis un peu plus d’une décennie, les échéances électorales se déroulent dans la plupart des cas dans des conditions pacifiques et transparentes. Ce qui contribue à l’ancrage des acquis démocratiques et à renforcer leur stabilité socio-politique.

C’est le revers de la médaille dans certains pays résilients comme la Côte d’ivoire. En effet, la paupérisation, le chômage, consécutifs à plus d’une décennie de crise politico-militaire conduisent de nombreux jeunes ivoiriens à quitter leur pays pour l’Europe. Mais l’argument de la pauvreté est battu en brèche par les autorités ivoiriennes. Pour elles, cet argument est peu convaincant d’autant que les migrants peuvent débourser plus de 2000 euros pour  leurs périples périlleux. Il n’empêche que l’ambition d’améliorer leurs conditions de vie précaires motive beaucoup de jeunes à prendre le chemin du désert sahélien ou des eaux tumultueuses de la Méditerranée. A ce niveau également, les chiffres de l’Organisation Internationale des Migrations (OIM) à Abidjan indiquent que « près de 12 000 Ivoiriens se trouvaient en 2016 en Libye, pays devenu l’un des principaux points de passage vers l’Europe pour les migrants d’Afrique sub-saharienne ».[2]

En clair, il apparaît  qu’en dépit de son économie dynamique dont la croissance flirte avec les 10 %, la Côte d’ivoire pourvoit, en grand nombre, des candidats à l’immigration irrégulière. Il importe ici de s’interroger sur l’efficacité de la redistribution des richesses générées par l’embellie économique. Ces chiffres de l'OIM devraient amener l'Etat ivoirien à l'élaboration d'une politique qui impacterait davantage les conditions de vie de ses populations, et freinerait, par ricochet, le départ de ses jeunes pour un El dorado illusoire.



Retour de plusieurs jeunes ivoiriens de la Libye, pays de passage pour de nombreux migrants subsahariens avant de rejoindre les côtes européennes.

En outre, le contexte socio-politique post crise présente une résilience bien complexe. A l’approche des échéances électorales de 2020, les discours des élites politiques, le jeu des alliances et ruptures politiques, les menaces à peine voilées et par médias interposés incitent de nombreux jeunes à quitter la Côte d’ivoire. Pour eux, certes, l’avenir du pays est prometteur, cependant, les enjeux du scrutin de 2020 feraient craindre une résurgence du conflit ou à tout le moins des violences électorales et post-électorales. Si certains optent pour l’immigration irrégulière, d’autres, plus prudents, voudraient se donner les chances de réussir leurs études et se  construire une meilleure carrière professionnelle en s’installant dans des pays reconnus pour leur stabilité socio-politique (Bénin, Ghana, Maroc, Sénégal, etc.).

En outre, les pays africains sont confrontés à d’énormes défis d’ordre sécuritaire. Abonnés aux guerres civiles fratricides et autres rébellions armées habituelles qui les ont généralement fragilisés, ils font face, désormais, à une nouvelle forme de conflit. Il s’agit de la guerre asymétrique que leur imposent les organisations terroristes. L’Afrique subsaharienne apparait comme l’un des terreaux fertiles pour les activités des nébuleuses Al Quaida au Maghreb Islamique (AQMI) et l’Etat Islamique (EI) et leurs ramifications. Les pays dont les populations sont les plus affectées sont ceux de la bande sahélienne (Mauritanie, Mali, Niger, Tchad) et certains pays qui leur sont voisins tels que le Burkina Faso et le Nigeria.

La lutte contre Boko Haram dans le nord du Nigeria ou contre AQMI et ses nombreuses organisations affiliées dans le nord du Mali n’épargnent aucunement les populations civiles. L’insécurité ambiante dans ces différentes zones engendre un exode des populations civiles. Les occidentaux qui s'aventurent dans ces zones de non droit s'exposent à des rapts. Le trafic d’êtres humains prospèrent également dans la zone et les premières victimes sont les candidats à l'immigration clandestine. 

Nonobstant tous ces dangers, le Nigeria bat un triste record. Il occupe le premier rang du peloton de tête des dix premières nationalités des migrants arrivés en Italie entre janvier et novembre 2016. Ici également, les chiffres de l’Organisation internationale des migrations sont alarmants. Les Nigérians ont constitué 21 % des entrants, suivis par les Erythréens (11,7 %), et des Guinéens (7,2 %)[3].

Face à l’ampleur du phénomène, les Etats européens et africains ont intérêt à définir une stratégie commune afin d’y trouver des solutions durables.



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