A l’instar de plusieurs pays africains,
la Côte d'Ivoire entame un nouveau cycle électoral. Celui-ci commence par l’élection la
plus importante : l’élection du président de la république. Cette échéance
électorale est particulièrement différente de celle de 2015 pour une raison
essentielle : la profonde recomposition du paysage socio-politique. Entre 2015
et 2020, les dissensions politiques observées ont
fait éclater la coalition au pouvoir, le RHDP, avec le retrait du PDCI d’Henri
Konan Bédié, celui de Guillaume Soro et des membres du parlement qui lui sont
restés loyaux. Au cœur de ces divergences politiques : la question de l’alternance
et de la transition politique et générationnelle au sein de la coalition au
pouvoir. Le contexte politique actuel donne
de nouveau lieu à de nouvelles alliances politiques avec la synergie ou la
mutualisation des actions politiques des anciens alliés d’Alassane Ouattara
(Henri Konan Bédié, Albert Mabri Toikeusse) et des autres membres de l’opposition
politique dont les deux tendances du FPI, Mamadou Koulibaly, etc.
Cette joute électorale qui déchaine
particulièrement des passions va structurer la trajectoire socio-politique de
ce pays pour les cinq années à venir voire un peu plus. Malheureusement, le processus
électoral est conduit sans un minimum de consensus des acteurs politiques autour
des questions essentielles liées audit processus.
CONTESTATIONS ET GRIEFS DE L’OPPOSITION POLITIQUE CONTRE ALASSANE OUATTARA
A cinq (5) jours de l’élection
présidentielle du 31 octobre 2020, l’opposition politique pourrait s'abstenir de participer à cette compétition importante. Pour cause, elle a émis un chapelet
de griefs qu’elle a adressé aux missions de la CEDEAO et des Nations unies qui
l’ont rencontrée. Ces missions
internationales ont visé à donner une dernière chance au dialogue politique avant la
tenue effective de cette élection. L’opposition politique conteste la
candidature du président Alassane Ouattara. Celui-ci, après deux mandats
successifs de cinq (5) années se porte candidat pour un nouveau mandat. Il justifie
cette candidature par la disparition d’Amadou Gon Coulibaly qu’il avait désigné
pour lui succéder à la tête du RHDP et aussi pour défendre les couleurs du
parti lors de l’échéance électorale du 31 octobre 2020. Mais contre toute
attente, Amadou Gon Coulibaly dont la santé était fragile décède en Côte d’ivoire, après un séjour médical de deux mois en France. Sur l’insistance pressante des
différentes instances de son parti, Alassane Ouattara décide finalement de
compétir.
Pour l’opposition, cette
candidature du président en exercice est une transgression de la loi
fondamentale qui limite à deux le nombre de mandats à la tête du pays. En
réponse à ce grief, Alassane Ouattara rétorque briguer son « premier
mandat de la troisième république ».
Les adversaires et anciens alliés d’Alassane Ouattara récusent la Commission électorale indépendante (CEI) et le Conseil Constitutionnel. Ces organes en charge de l’organisation de l’élection et de la gestion du contentieux électoral sont perçus comme des institutions « inféodées au pouvoir ». Si la CEI est dite « déséquilibrée », pas suffisamment réformée et majoritairement dominée au niveau central et local par le parti au pouvoir, le Conseil constitutionnel, lui, est soupçonné d’être à la solde du régime. Cette dernière accusation a été amplifiée par le rejet de quarante (40) candidatures sur les 44 quarante quatre dossiers déposés auprès de ladite institution. Laurent Gbagbo et Guillaume Soro dont les candidatures ont été déposées par leurs proches ont été invalidées.
Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié, Bertin Konan Kouadio et Pascal Affi N'guessan sont les quatre personnalités politiques retenues par le Conseil Constitutionnel pour la compétition électorale.
Ceux-ci ont été retirés de la
liste électorale, après des condamnations par contumace prononcées par les
juridictions nationales. Pourtant, des arrêts de la CADHP avait ordonné à l’Etat
ivoirien de les réintégrer sur le fichier électoral afin de leur permettre de
participer au scrutin. Elle remet en question l’intégrité du fichier électoral
dont elle exige l’audit international.
D’autres anciens alliés et
adversaires politiques du président sortant ont vu leurs candidatures également
rejetées pour diverses raisons liées, par exemple, au parrainage des citoyens
insuffisants ou le double parrainage. Toutefois, ces rejets sont remis en cause
par ces leaders de l’opposition. A l’issue des délibérations des juges
constitutionnels, ce sont Henri Konan
Bédié, Pascal Affi N’guessan et Kouadio Konan Bertin qui ont vu leurs candidatures
être validées par le juge constitutionnel et qui auraient dû affronter Alassane
Ouattara dans les urnes. Cependant, Henri Konan Bédié et Pascal Affi N’Guessan exigent
le retrait de la candidature
RISQUES DE VIOLENCES
GENERALISEES DANS LES LOCALITES SUPPOSEES PROCHES DE L’OPPOSITION
Face au maintien d’Alassane Ouattara
de sa candidature, les leaders de l’opposition amenés par Henri Konan Bédié ont
lancé un mot d’ordre à la désobéissance civile et au boycott actif de toutes
les opérations liées au processus électoral. La mise en œuvre de ces consignes
par les militants de l’opposition ont été observées dans plusieurs localités du
pays, depuis le 13 août 2020, date marquant le début des manifestations contre
la candidature d’Alassane Ouattara.
Cependant, ces manifestations visant
à dénoncer la candidature controversée d’Alassane Ouattara se sont muées en
affrontements intercommunautaires dans plusieurs villes du pays notamment à Daoukro,
Bonoua, Divo, Gagnoa, Bongouanou et Dabou. Elles ont déjà causé quelques
dizaines de morts dont 16 pour la seule localité de Dabou, puis la destruction
d’importants dégâts matériels et même le saccage des symboles de l’Etat. La montée
des tensions politiques et éventuellement la généralisation de ces violences,
le jour du scrutin, dans les zones supposées proches de l’opposition (sud,
centre, ouest est) pourrait sérieusement mettre à mal la tenue de l’élection
présidentielle dont l’un des enjeux reste le taux de participation mais aussi
susciter une flambée de violences.
Les différentes missions de la
CEDEAO et du représentant du Secrétaire général des Nations unies pour l’Afrique de l’ouest ont
échangé avec les différents candidats, certains protagonistes de la scène
politique et les organisations de la
Société Civile. L’objectif était d’encourager les différents candidats à
participer au scrutin et à contribuer à l’apaisement du climat socio-politique.
Mais ces rencontres avec les différents représentants des institutions sous
régionales et régionales n’ont pas vraiment infléchi l’opposition qui a
maintenu l’appel à la désobéissance civile et au boycott actif des opérations
électorales.
L’intransigeance des deux
parties politiques a contribué à accentuer la fracture sociale et politique. C’est
dans ce contexte fortement polarisé que les populations ivoiriennes, déjà
apeurées par la flambée des violences électorales, iront aux urnes.