jeudi 29 octobre 2020

COTE D'IVOIRE: UNE ELECTION PRESIDENTIELLE SUR FOND DE TENSIONS POLITIQUES ET COMMUNAUTAIRES

 




A l’instar de plusieurs pays africains, la Côte d'Ivoire entame un nouveau cycle électoral. Celui-ci commence par l’élection la plus importante : l’élection du président de la république. Cette échéance électorale est particulièrement différente de celle de 2015 pour une raison essentielle : la profonde recomposition du paysage socio-politique. Entre 2015 et 2020, les dissensions politiques observées ont fait éclater la coalition au pouvoir, le RHDP, avec le retrait du PDCI d’Henri Konan Bédié, celui de Guillaume Soro et des membres du parlement qui lui sont restés loyaux. Au cœur de ces divergences politiques : la question de l’alternance et de la transition politique et générationnelle au sein de la coalition au pouvoir.  Le contexte politique actuel donne de nouveau lieu à de nouvelles alliances politiques avec la synergie ou la mutualisation des actions politiques des anciens alliés d’Alassane Ouattara (Henri Konan Bédié, Albert Mabri Toikeusse)  et des autres membres de l’opposition politique dont les deux tendances du FPI, Mamadou Koulibaly, etc.

Cette joute électorale qui déchaine particulièrement des passions va structurer la trajectoire socio-politique de ce pays pour les cinq années à venir voire un peu plus. Malheureusement, le processus électoral est conduit sans un minimum de consensus des acteurs politiques autour des questions essentielles liées audit processus.

CONTESTATIONS ET GRIEFS DE L’OPPOSITION POLITIQUE CONTRE ALASSANE OUATTARA

A cinq (5) jours de l’élection présidentielle du 31 octobre 2020, l’opposition politique pourrait s'abstenir de participer à cette compétition importante. Pour cause, elle a émis un chapelet de griefs qu’elle a adressé aux missions de la CEDEAO et des Nations unies qui l’ont  rencontrée. Ces missions internationales ont visé à donner une dernière chance au dialogue politique avant la tenue effective de cette élection. L’opposition politique conteste la candidature du président Alassane Ouattara. Celui-ci, après deux mandats successifs de cinq (5) années se porte candidat pour un nouveau mandat. Il justifie cette candidature par la disparition d’Amadou Gon Coulibaly qu’il avait désigné pour lui succéder à la tête du RHDP et aussi pour défendre les couleurs du parti lors de l’échéance électorale du 31 octobre 2020. Mais contre toute attente, Amadou Gon Coulibaly dont la santé était fragile décède en Côte d’ivoire, après un séjour médical de deux mois en France. Sur l’insistance pressante des différentes instances de son parti, Alassane Ouattara décide finalement de compétir.

Pour l’opposition, cette candidature du président en exercice est une transgression de la loi fondamentale qui limite à deux le nombre de mandats à la tête du pays. En réponse à ce grief, Alassane Ouattara rétorque briguer son « premier mandat de la troisième république ».

Les adversaires et anciens alliés d’Alassane Ouattara récusent la Commission électorale indépendante (CEI) et le Conseil Constitutionnel. Ces organes en charge de l’organisation de l’élection et de la gestion du contentieux électoral sont perçus comme des institutions « inféodées au pouvoir ». Si la CEI est dite « déséquilibrée », pas suffisamment réformée et majoritairement dominée au niveau central et local par le parti au pouvoir, le Conseil constitutionnel, lui, est soupçonné d’être à la solde du régime. Cette dernière accusation a été amplifiée par le rejet de quarante (40) candidatures sur les 44 quarante quatre dossiers déposés auprès de ladite institution. Laurent Gbagbo et Guillaume Soro dont les candidatures ont été déposées par leurs proches ont été invalidées. 


Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié, Bertin Konan Kouadio et Pascal Affi N'guessan sont les quatre personnalités politiques retenues par le Conseil Constitutionnel pour la compétition électorale.

Ceux-ci ont été retirés de la liste électorale, après des condamnations par contumace prononcées par les juridictions nationales. Pourtant, des arrêts de la CADHP avait ordonné à l’Etat ivoirien de les réintégrer sur le fichier électoral afin de leur permettre de participer au scrutin. Elle remet en question l’intégrité du fichier électoral dont elle exige l’audit international.

D’autres anciens alliés et adversaires politiques du président sortant ont vu leurs candidatures également rejetées pour diverses raisons liées, par exemple, au parrainage des citoyens insuffisants ou le double parrainage. Toutefois, ces rejets sont remis en cause par ces leaders de l’opposition. A l’issue des délibérations des juges constitutionnels,  ce sont Henri Konan Bédié, Pascal Affi N’guessan et Kouadio Konan Bertin qui ont vu leurs candidatures être validées par le juge constitutionnel et qui auraient dû affronter Alassane Ouattara dans les urnes. Cependant, Henri Konan Bédié et Pascal Affi N’Guessan exigent le retrait de la candidature

 

RISQUES DE VIOLENCES GENERALISEES DANS LES LOCALITES SUPPOSEES PROCHES DE L’OPPOSITION

Face au maintien d’Alassane Ouattara de sa candidature, les leaders de l’opposition amenés par Henri Konan Bédié ont lancé un mot d’ordre à la désobéissance civile et au boycott actif de toutes les opérations liées au processus électoral. La mise en œuvre de ces consignes par les militants de l’opposition ont été observées dans plusieurs localités du pays, depuis le 13 août 2020, date marquant le début des manifestations contre la candidature d’Alassane Ouattara.

Cependant, ces manifestations visant à dénoncer la candidature controversée d’Alassane Ouattara se sont muées en affrontements intercommunautaires dans plusieurs villes du pays notamment à Daoukro, Bonoua, Divo, Gagnoa, Bongouanou et Dabou. Elles ont déjà causé quelques dizaines de morts dont 16 pour la seule localité de Dabou, puis la destruction d’importants dégâts matériels et même le saccage des symboles de l’Etat. La montée des tensions politiques et éventuellement la généralisation de ces violences, le jour du scrutin, dans les zones supposées proches de l’opposition (sud, centre, ouest est) pourrait sérieusement mettre à mal la tenue de l’élection présidentielle dont l’un des enjeux reste le taux de participation mais aussi susciter une flambée de violences.




Les différentes missions de la CEDEAO et du représentant du Secrétaire général des Nations unies pour l’Afrique de l’ouest ont échangé avec les différents candidats, certains protagonistes de la scène politique  et les organisations de la Société Civile. L’objectif était d’encourager les différents candidats à participer au scrutin et à contribuer à l’apaisement du climat socio-politique. Mais ces rencontres avec les différents représentants des institutions sous régionales et régionales n’ont pas vraiment infléchi l’opposition qui a maintenu l’appel à la désobéissance civile et au boycott actif des opérations électorales.

L’intransigeance des deux parties politiques a contribué à accentuer la fracture sociale et politique.   C’est dans ce contexte fortement polarisé que les populations ivoiriennes, déjà apeurées par la flambée des violences électorales, iront aux urnes.

 


 

 

 

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